terça-feira, fevereiro 6

Louise Labé, courtisaine lyonaise et celle qui fut la Belle Cordière



Baise m'encor, rebaise moy et baise
Donne m'en un de tes plus savoureus,
Donne m'en un de tes plus amoureus :
Je t'en rendray quatre plus chaus que braise

Las, te plains-tu ? ça que ce doux mal j'apaise,
En t'en donnant dix autres doucereus.
Ainsi meslans nos baisers tant heureus
Jouissons nous l'un de l'autre à notre aise.

Lors double vie à chacun en suivra.
Chacun en soy et son ami vivra.
Permets m'Amour penser quelque folie :

Tousjours suis mal, vivant discrettement
Et ne me puis donner contentement,
Si hors de moy ne fay quelque saillie.

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Si jamais il y eut plus clairvoyant qu'Ulysse,
Il n'aurait jamais pu prévoir que ce visage,
Orné de tant de grâce et si digne d'hommage,
Devienne l'instrument de mon affreux supplice.

Cependant ces beaux yeux, Amour, ont su ouvrir
Dans mon coeur innocent une telle blessure
-Dans ce coeur où tu prends chaleur et nourriture-
Que tu es bien le seul à pouvoir m'en guérir.

Cruel destin ! Je suis victime d'un Scorpion,
Et je ne puis attendre un remède au poison
Que du même animal qui m'a empoisonnée !

Je t'en supplie, Amour, cesse de me tourmenter !
Mais n'éteins pas en moi mon plus précieux désir,
Sinon il me faudra fatalement mourir.



Quand j'aperçois ton blond chef, couronné

D'un laurier vert, faire un luth si bien plaindre

Que tu pourrais à te suivre contraindre

Arbres et rocs ; quand je te vois orné,

Et, de vertus dix mille environné,
Au chef d'honneur plus haut que nul atteindre,
Et des plus haut les louanges éteindre,
Lors dit mon coeur en soi passionné :

Tant de vertu qui te font être aimé,
Qui de chacun te font être estimé,
Ne te pourraient aussi bien faire aimer ?

Et, ajoutant à ta vertu louable
Ce nom encor de m'être pitoyable,

De mon amour doucement t'enflammer ?

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Ô beaux yeux bruns, ô regards détournés,
Ô chauds soupirs, ô larmes épandues,
Ô noires nuits vainement attendues,
Ô jours luisants vainement retournée !

Ô tristes plaints, ô désirs obstiné,
Ô temps perdu, ô peines dépendues,
Ô milles morts en mille rets tendues,
Ô pires maux contre moi destiné !

Ô ris, ô front, cheveux bras mains et doigts !
Ô luth plaintif, viole, archet et voix !
Tant de flambeaux pour ardre une femelle !

De toi me plains, que tant de feux portant,
En tant d'endroits d'iceux mon coeur tâtant,
N'en ai sur toi volé quelque étincelle.

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Ô longs désirs, ô espérances vaines,

Tristes soupirs et larmes coutumières

À engendrer de moi maintes rivières,

Dont mes deux yeux sont sources et fontaines !



Ô cruautés ô durtés inhumaines,

Piteux regards des célestes lumières,

Du coeur transi ô passions premières

Estimez-vous croître encore mes peines ?



Qu'encor Amour sur moi son arc essaie,

Que de nouveaux feux me jette et nouveaux dards,

Qu'il se dépite et pis qu'il pourra fasse :



Car je suis tant navrée en toute part

Que plus en moi une nouvelle plaie

Pour m'empirer, ne pourrait trouver place.

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Depuis qu'Amour cruel empoisonna
Premièrement de son feu ma poitrine,
Toujours brûlai de sa fureur divine,
Qui un seul jour mon coeur n'abandonna.

Quelque travail, dont assez me donna,
Quelque menace et prochaine ruine,
Quelque penser de mort qui tout termine,
De rien mon coeur ardent ne s'étonna.

Tant plus qu'Amour nous vient fort assaillir,
Plus il nous fait nos forces recueillir,
Et toujours frais en ses combats fait être ;

Mais ce n'est pas qu'en rien nous favorise,
Cil qui des Dieux et des hommes méprise,

Mais pour plus fort contre les forts paraître.

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Las ! cettui jour, pourquoi l'ai-je dû voir,
Puisque ses yeux allaient ardre mon âme ?
Doncques, Amour, faut-il que par ta flamme
Soit transmué notre heur en désespoir !

Si on savait d'aventure prévoir
Ce que vient lors, plaints, poinctures et blâmes ;
Si fraîche fleur évanouir son bâme
Et que tel jour fait éclore tel soir ;

Si on savait la fatale puissance,
Que vite aurais échappé sa présence !
Sans tarder plus, que vite l'aurais fui !

Las, Las ! que dis-je ? O si pouvait renaître
Ce jour tant doux où je le vis paraître,
Oisel léger, comme j'irais à lui !

(atribuido a Louise Labé)

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