terça-feira, fevereiro 6

Homenagem a Louise Labé: Guillaume Aubert



ODE
Des louenges
de Dame Louïze Labé,
Lionnoize.



Il ne faut point que j'appelle
Les hauts Dieus à mon secours,
Ou bien la bande pucelle
Pour m'ayder en mon discours.
Puis que les Dieus, de leur grace,
Les saintes Muses, les Cieus,
Ont tant illustré la face,
Le corps, l'esprit curieus
De celle, dont j'apareille
La louenge nompareille,
Je congnoy bien clerement
Que toute essence divine
Me favorise, et s'encline
A ce beau commencement.

Sus sus donq, blanche senestre
Fay tes resonans effors :
Et toy, ô mignarde destre
Chatouille ses dous acors
Chantons la face angelique,
Chantons le beau chef doré,
Si beau, que le dieu Delphique
D'un plus beau n'est decoré.
Noublions en notre metre
Comme elle osa s'entremettre
D'armer ses membres mignars :
Montrant au haut de sa teste
Une espouvantable creste
Sur tous les autres soudars.

O noble, ô divin chef d'euvre
Des Dieus hauteins tous puissans,
Au moins meintenant descoeuvre
Tes yeus tous resjouissans,
Pour voir ma Muse animee,
Qui de sa robuste main
Haussera ta renommee
Trop mieux que ce vieil Rommain
Qui sa demeure ancienne,
La terre Saturnienne
Delaissa pour ta beauté,
Afin qu'à toy rigoureuse
Il fut hostie piteuse
En sa ferme loyauté.

La Muse docte divine
Du vieillard audacieus
Par le vague s'achemine
Pour t'enlever jusqu'aus Cieus :
Niais la Parque naturelle
Dens les Iberiens chams,
Courut desemplumer l'aile
De ses pleurs et de ses chans :
Envoyant en sa vieillesse,
Mal seant en ta jeunesse,
Son corps, au tombeau ombreus :
Et son ame enamouree
En l'obscure demouree
Des Royaumes tenebreus.

Dieus des voutes estoilees,
Qui en perdurable tour
Retiennent emmantelees
Les terres, tout à l'entour :
Permetez moy que je vive
Des ans le cours naturel,
A fin qu'a mon gré j'escrive
En un ouvrage eternel,
De cette noble Deesse
La beauté enchanteresse,
Ce qu'elle ha bien merité :
Et qu'en sa gloire immortelle,
On voye esbahie en elle
Toute la posterité.

Ainsi que Semiramide
Qui feingnant estre l'enfant
De son mari, print la guide
Du Royaume trionfant,
Puis démantant la Nature
Et le sexe feminin,
Hazarda à l'aventure
Son corps jadis tant benin,
Courant furieuse en armes
Parmi les Mores gendarmes,
Et es Indiques dangers
De sa rude simeterre
Renversant dessus la terre
Les escadrons estrangers.

Ainsi qu'es Alpes cornues
(Qui, soit hiver soit Esté,
Ont tousjours couvert de nues,
Le front au Ciel arresté)
On voit la superbe teste
D'un roc de pins emplumé,
Ravie par la tempeste
De son corps acoutumé,
En roullant par son orage,
Froisser tout le labourage,
Des Beufs les apres travaus,
Ne laissant rien en sa voye,
Qu'en pleces elle n'envoye,
Cherchant les profondes vaux.

Ou comme Penthasilee,
Qui pour son ami Hector
Combatoit entremeslee
Par les Grecs, aus cheveus d'or,
Ores de sa roide lance
Enferrant l'un au travers,
Or du branc en violance
Trebuchant l'autre à l'envers
Et ainsi que ces pucelles
Qui l'une de leurs mammelles
Se bruloient pour s'adestrer
Aus combas et entreprises
Aus bons guerroyeurs requises,
Pour l'ennemi rencontrer.

Louïze ainsi furieuse
En laissant les habiz mols
Des femmes, et envieuse
De bruit, par les Espagnols
Souvent courut, en grand' noise
Et meint assaut leur donna,
Quand la jeunesse Françoise
Parpignan environna.
Là sa force elle desploye,
Là de sa lance elle ploye
Le plus hardi assaillant :
Et brave dessus la celle
Ne demontroit rien en elle
Que d'un chevalier vaillant.

Ores la forte guerriere
Tournoit son destrier en rond :
Ores en une carriere
Essayoit s'il estoit pront :
Branlant en flots son panache,
Soit quand elle se jouoit
D'une pique, ou d'une hache,
Chacun Prince la louoit :
Puis ayant à la senestre
L'espee ceinte, à la destre
La dague, enrichies d'or,
En s'en allant toute armee,
Ell' sembloit parmi l'armee
Un Achile, ou un Hector.

L'orguilleus fils de Climene
Nous peut bien avoir apris
Qu'il ne faut par gloire vaine
Qu'un grand trein soit entrepris.
L'entreprise qui est faite
Sans le bon conseil des Dieus
N'a point, ainsi qu'on souhaite,
Son demier efet joyeus :
Ainsi cette belliqueuse
Ne fut jamais orguilleuse
Telle au camp elle n'alla :
Ains ce fut à la priere
De Venus, sa douce mere,
Qui un soir lui en parla.

Un peu plus haut que la plaine,
Ou le Rone impetueus
Embrasse la Sone humeine
De ses grans bras tortueus,
De la mignonne pucelle
Le plaisant jardin estoit,
D'une grace et façon telle
Que tout autre il surmontoit :
En regardant la merveille
De la beauté nompareille
Dont tout il estoit armé,
Celui bien on l'ust pù dire
Du juste Roy de Corcyre
En pommes tant renommé.

A l'entree on voyoit d'herbes
Et de thin verflorissant,
Les lis et croissans superbes
De notre Prince puissant
Et tout autour de la plante
De petits ramelets vers
De marjoleine flairante
Estoient plantez ces six vers
DV TRESNOBLE ROY DE FRANCE
LE CROISSANT NEVVE ACROISSANCE
DE IOVR EN IOVR REPRENDRA,
IVSQVES A TANT QVE SES CORNES
IOINTES SANS AVCVNES BORNES
EN VN PLEIN ROND IL RENDRA.

Tout autour estoient des treilles
Faites avec un tel art,
Qu'aucun n'ust sù sans merveilles
Là espandre son regard :
La voute en estoit sacrée
Au Dieu en Inde invoqué
Car elle estoit acoutree
Du sep au raisin musqué :
Les coulomnes bien polies
Estoient autour enrichies
De Romarins et rosiers,
Lesquels faciles à tordre
S'entrelassoient en bel ordre
En mile neus fais d'osiers.

Au milieu, pour faire ombrage,
Estoient meints arceaux couvers
De Coudriers et d'un bocage
Fait de cent arbres divers
Là l'Olive palissante
Qu'Athene tant réclama
Et la branche verdissante
Qu'Apolon jadis ayma :
Là l'Arbre droit de Cibelle
Et le cerverin rebelle
Au plaisir vénérien :
Avec l'obscure ramee
Par Phebe Jadis formee
Du corps Cyparissien.

Sous cette douce verdure,
Soit en sa gaye saison
Ou quand la triste froidure
Nous renferme en la maison,
Tarins, Rossignols, Linotes
Et autres oiseaus des bois
Exercent en gayes notes
Les dous jargons de leurs voix
Et la vefve tourterelle
Y pleint et pleure à par elle
Son amoureus tout le jour :
De sa parole enrouee
A pleints et à pleurs vouee
Efroyant l'air tout autour.

Et à fin qu'à beauté telle
Rien manquer on ne pust voir,
De la beauté naturelle
Qu'un beau jardin peut avoir,
Il y ut une fonteine,
Dont l'eau, coulant contre val
En sautant hors de sa veine
Sembloit au plus cler cristal
Elle ne fut point ornee
Ny autour environnee
De beaux mirtes Cipriens
Ny de buis, ny d'aucun arbre,
Ny de ce precieus marbre
Qu'on taille es monts Pariens.

Mais elle estoit tapissee
Tout l'environ de ses bors,
Ou son onde courroucee
Murmuroit ses dous acors,
D'herbe tousjours verdoyante,
Peinte de diverses fleurs,
Qui en l'eau dousondoyante
Mesloient leurs belles couleurs.
Qui ust regardé la teste
D'un Narcisse qui s'arreste
Tout panchant le col sur l'eau,
On ust dit que son courage
Contemploit encor l'image
Qui trop et trop lui fut beau.

Aussi par cette verdure
Estoit le jaune Souci,
Qui encor la peine dure
De ses feus n'a adouci :
Ainsi tousjours se vire et tourne
Vers son Ami qu'il veut voir,
Soit au matin, qu'il ajourne,
Ou quand il est pres du soir.
Là aussi estoient brunettes
Mastis, damas, violettes
Çà et là sans nul compas :
Avec la fleur, en laquelle
Hiacinte renouvelle
Son nom apres son trespas.

Le ruisseau de cette sourse
A par soy s'ebanoyant,
D'une foible et lente course
Deçà delà tournoyant,
Faisoit une portraiture
Du lieu ou fut enfermé
Le monstre contre nature
En Pasiphaé formé ;
Puis son onde entrelassee,
De longues erreurs lassee
Par un beau pré s'espandoit :
Ou maugré toute froidure
Une plaisante verdure,
Etemelle elle rendoit.

Titan laissant sa campagne
Peu à peu sous nous couloit,
Et dens la tiede eau d'Espagne
Son char il desateloit :
Quand en ce lieu de plaisance
Louïze estoit pour un soir,
Qui cherchant resjouissance
Pres la font se vint assoir :
Elle ayant assez du pouce
Taté l'harmonie douce
De son lut, sentant le son
Bien d'acord, d'une voix franche
Jointe au bruit de sa main blanche,
Elle dit cette chanson :

« La forte Tritonienne,
Fille du Dieu Candien
Et la vierge Ortygienne
Seur du beau Dieu Cynthien
Sont les deus seules Deesses
Ou J'ay mis tout mon desir,
Et que je sù pour maitresses
Des mon enfance choisir.
Si Venus m'a rendu belle,
Et toute semblable qu'elle
Avec sa divinité,
Que pourtant elle ne pense,
Qu'en un seul endroit j'ofense
Ma chaste virginité. »

La pucelle Lionnoize
Fredonnant meints tons divers,
Au son plein de douce noise,
N'ut deus fois chanté ces vers,
Qu'un sommeil de course lente
Descendant parmi les Cieus,
Finit sa voix excellente
Et son jeu melodieus.
Sur la verdure espandue
Tous dous il l'a estendue,
Flatant ses membres dispos :
Dessus ses yeus il se pose,
Et tout son corps il arrose
D'un tresgracieus repos.

En dormant tout devant elle
Sa mere se presenta,
En son beau visage telle
Qu'alors qu'elle s'acointa
D'Anchise, pres du rivage
Du Simoent Phrygien :
Dont naquit le preus courage
Qui au camp Hesperien
Renouvella la memoire,
Et la trionfante gloire
Du sang Troyen abatu,
Qui devoit en rude guerre
Tout le grand rond de la Terre
Conquenir par sa vertu.

Ell' regarde par merveille
Son visage nompareil,
Son haut front, sa ronde oreille,
Son teint freschement vermeil,
Le vif coral de sa bouche,
Ses sourcis tant gracieus,
Que doucement elle touche
Pour voir les rais de ses yeus
Non sans contempler encore
Celle beauté qui decore
La rondeur de son tetin,
Qui ni plus ni moins soupire
Qu'au printems le dous Zephire
Alenant l'air du matin.

Apres que la Cyphienne
Ut son regard contenté,
Voyant de la fille sienne
La plus qu'humeine beauté,
Esbahie en son courage
De sa grand' perfeccion,
Elle augmenta davantage
Vers ell' son afeccion :
Puis toute gaye et joyeuse,
D'une voix tresgracieuse,
Pour descouvrir son souci,
Tenant les vermeilles roses
De sa bouche un peu descloses
Elle parola ainsi :

« Les Dieus n'ont voulu permettre
Aux vains pansers des mortels,
Que d'eus ils se pussent mettre
A fin : bien que leurs autels
Soient tous couvers de fumee,
Ou pour gagner leur faveur,
Ou pour leur ire animee
Faire tourner en douceur,
Tous les veus pas ils n'entendent
Qui devant leurs yeus se rendent :
Ains les ont à nonchaloir
Veu ni priere qu'on face
N'y font n'en, si de leur grace
Ils n'ont un mesme vouloir.

Que penses tu fille chere ?
Penses tu bien resister
Contre les dars de ton frere
S'il lui plait t'en molester ?
Il scet domter tout le monde
De son arc audacieus :
L'Ocean, la Terre ronde,
L'Air, les Enfers, et les Cieus.
Onq fille n'ut la puissance
De lui faire resistance,
Et ses fiers coups soutenir :
Mais je te veus faire entendre
Pourquoy j'ai voulu descendre
Du Ciel, pour à toy venir.

Les hommes, pleins d'ignorance,
Citoyens de ces bas lieus,
Te pensent de leur semence,
Et non de celle des Dieus :
Mais par trop ils se deçoivent
(Bien qu'ils le tiennent par seur)
Et assez ils n'aperçoivent
De ta beauté la grandeur.
Qui diroit, voyant ta face,
Que tu fusses de la race
D'un,homme simple et mortel ?
La Terre sale et immunde,
Ne sauroit aus yeus du monde
De soy produire riens tel.

Tout ainsi la beauté rare
D'Heleine, chacun pensoit
Engendree de Tyndare :
Car on ne la connoissoit.
Toutefois si estoit elle
Fille du Dieu haut tonnant
Qui sa maison supernelle,
Le haut Ciel, abandonnant,
Atourné d'un blanc plumage,
Semblant l'Oiseau qui presage,
En chantant, sa proche mort,
En Lede fille de Theste
De sa semence celeste,
Le conçut par son effort,

Avecques deux vaillans freres
Dont l'un alaigre escrimeur
Domta les menasses fieres,
Et la trop àpre rigueur
Du cruel Roy de Bebrice
Acoutumé d'outrager,
Et meurtrir par sa malice
Chacun soudart estranger
L'autre, de hardi courage,
Inventa premier l'usage
De joindre au char le coursier :
Ou il se roula grand'erre
Effroyant toute la terre
Des deux ronds bornez d'acier.

Ainsi, bien qu'on ne te donne
L'honneur d'estre de mon sang,
Et du fier Dieu qui ordonne
Les puissans soudars en rang,
Si m'est ce chose asseuree
Que de Gradive le fort
En moy tu fus engendree,
Joingnant le gracieus bord
Ou la Sorte toute quoye
Fait une paisible voye
S'en allant fendre Lion :
Dens lequel on voit encore
Un mont*, ou lon me decore,
Qui retient de moy son nom.

Le lieu ou tu fus conçue
Ne fut vile ny chateau,
Ains une forest tissue
De meint plaisant arbrisseau,
Dont je veux (en témoignage
De ta race) te pourvoir
Ainsi que d'un heritage
Que je tiens en mon pouvoir.
Là autour sont meintes plaines,
Esquelles les blondes graines
De Ceres pourras cueillir,
Et la liqueur qui agree
A Bachus, et meinte pree
Ou l'herbe ne peut faillir.

Là aussi sont meints bocages
Deçà delà espandus,
Ou en tout tems les ramages
Des Oiseaus sont entendus.
Par fois tu y pourras tendre
Le ret rare, à ton desir,
Et quelque gibier y prendre
Pour acroitre ton plaisir :
Ou t'exerçant à la chasse
Tu poursuivras à la trace
Les Lievres fulans de peur,
De chiens autour toute armee,
Vagans dessous la ramee
Se guidans à la senteur.

Et si par trop tu te peines
En trop violent effort,
De meintes cleres fonteines
Tu pourras avoir confort :
L'eau sortante de leur sourse
Tes membres refreschira,
Et la murmurante course
A son bruit t'endormira :
Apres chargee de proye,
Tu te pourras mettre en
Pour à ton chateau tourner,
Qu'en brief batir je veus faire,
Sufisant pour te complaire
S'il te plait y sejourner.

Sur tout (fille) je t'avise,
Que d'un coeur tant odieus
Ton frere tu ne mesprise,
C'est le plus puissant des Dieus.
En ta beauté excellente
Meint homme il rendra transi,
Mais sa main ne sera lente
A te tourmenter aussi.
Prens bien à ce propos garde,
Car ja desja il te darde
Son tret àpre et rigoureus
Dont il t'abatra par terre,
Rendant d'un homme de guerre
Ton tendre coeur amoureus.

En ce il prendra bien vengeance
Du bon Poëte Rommain,
Auquel sans nulle allegeance
Ton coeur est trop inhumein.
Bien prendra à ta jeunesse
Avoir apris à soufrir
Des durs harnois la rudesse,
Et à meint travail s'ofrir :
Souvent seras rencontree
Depuis la tarde vespree
Jusqu'au point du prochein jour,
Parmi les bois languissante
Et tendrement gemissante
La grand' cruauté d'Amour.

Alors, pour estre asseuree
Point en femme tu n'iras,
Ains d'une lance paree
Chevalier tu te diras.
Ja en ton harnois bravante
Je te regarde assaillir
Meint chevalier, qui se vante
Hors de l'arçon te saillir
Puis dextrement aprestee
Ayant ta lance arrestée,
Le desarçonner en bas,
Lui tout froissé, à grand'peine
Lever son arme incerteine,
Chancelant à chacun pas.

A si grans travaus ton frere
Durement te contreindra,
Jusqu'à ce qu'à la premiere
Liberté il te rendra :
Alors laissant les alarmes
Et les hazars perilleus,
Tu rueras jus les armes,
Et le courage orguilleus
Dont tu soulois mettre en terre
Meint vaillant homme de guerre
Renversé sous son escu,
Qui repentant en sa face
De sa premiere menasse,
Tout haut se choit vaincu.

Donq laissant dague et espee
Ton habit tu reprendras,
A plus dous jeus ocupee
Ton dous lut tu retendras
Et lors meints nobles Poëtes,
Pleins de celestes esprits,
Diront tes graces parfaites
En leurs tresdoctes escriz :
Marot, Moulin, la Fonteine
Avec la Muse hauteine
De ce Sceve audacieus,
Dont la tonnante parole,
Qui dens les astres carole
Semble un contrefoudre es Cieus.

Toutefois leur fantasie
Ton loz point tant ne dira,
Comme d'un la Poësie,
Qui de l'onde sortira
Du petit Clan, dont la rive
Privee de flots irez,
Ha en tout tems l'herbe vive
Autour des bors retirez.
De cil la Muse nouvelle
Rendra ta grace immortelle :
Du Ciel il est ordonné
Qu'à lui le bruit de la gloire
De t'avoir mise en memoire,
Entierement soit donné.

Qu'à ton coeur tousjours agree
Du Poëte le labeur :
Son escriture est sacree
A tout immortel bonheur.
Ayant qui ton loz escrive,
Mourir ne peus nullement :
Ainsi Laure, ainsi Olive
Vivent eternellement.
Un Bouchet en façon telle,
Met en memoire immortelle
De son Ange le beau nom :
Sacrant l'Angelique face,
Sa beauté, sa bonne grace,
Au temple du saint renom. »

A tant la Deesse belle
Mit fin à son dous parler :
Son chariot elle atelle
Toute preste à s'en voler :
Les mignonnes colombelles
Par le vague doucement
Esbranlent leurs blanches esles
D'un paisible mouvement.
Louïze estant esveillee
Resta toute esmerveillee
De la sainte vision :
Ignorante si son songe
Est verité ou mensonge,
Ou quelque autre illusion.

Son corps droit, sa bonne grace,
Son dur teton, ses beaux yeus,
Les divins traits de sa face,
Son port, son ris gracieus,
Le front serein, la main belle,
Le sein comme albastre blanc,
Montrent evidemment qu'elle
Sortit du Ciprien flanc.
Puis sa vaillance et prouesse,
Son courage, son adresse,
Et la force du bras sien
De grand heur acompagnee,
La montrent de la lignee
Du Gradive Thracien.

Mais d'autre part, sa doctrine,
Sa sagesse, son savoir,
La pensee aus arts encline
Autant qu'autre onq put avoir.
Les vers doctes qu'elle acorde,
En les chantant de sa voix,
A l'harmonieuse corde,
Fretillante sous ses doits
Et la chasteté fidelle,
Qui tousjours est avec elle,
Nous rendent quasi tous seurs
Qu'elle ut la naissance sienne
De la couple Cynthienne,
Ou de l'une des neuf Seurs.

Toutefois il nous faut croire
Ce que nous disent les Dieus,
Qui par la nuitee noire
Se montrent aux dormans yeus.
Ainsi Hector à Enee
En un songe s'aparut
Et la sienne destinee
En songe il lui discourut.
Souvent la future chose
Du sain esprit qui repose
Est prevuë de bien loin :
Ce songe presque incroyable,
Qui apres fut venitable,
En pourra estre témoin.

Mais il est tems douce Lire
Que tu cesse tes acors.
Si assez tu n'as pù dire,
Si as tu fait tes effors.
Celle harpe Methimnoise
Qui peut la mer esmouvoir,
N'ut la Ninfe Lionnoize
Chanté selon son devoir :
Non pas toute la Musique
De celle bende Lirique
Qui (long tems ha) florissoit
En la Grece : qui meint Prince,
Meint païs, meinte Province,
De son chant resjouissoit.

Poème attribué à Guillaume Aubert

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